madeleine(Mt 21, 28—32) Avez-vous déjà été inquiétés par une parole de l’Évangile ? En général nous lisons plutôt les passages les plus faciles, les plus positifs, les plus rassurants, les plus « gentils », quitte à sauter quelques pages plus difficiles et un peu troublantes.

Eh bien aujourd’hui nous lisons quelques lignes qui sont peut-être les plus inquiétantes de tout le Nouveau Testament. Mais aussi, en même temps, elles sont peut-être les plus rassurantes. Je prends donc le risque de les relire sans les amortir, sans les noyer dans des généralités pieuses. Le risque de vous bousculer un peu. Mais sachez que moi le premier je suis bousculé par ces versets.

Il y a donc deux fils, deux bien aimés du Père. Il y a celui qui dit : Oui papa, oui bien sûr. Il est d’accord. On pourrait dire : il y croit. Mais il n’y va pas. Il ne bouge pas. Et c’est pour nous une question terrible. Car nous sommes ces hommes et ces femmes qui ont dit oui. Notre présence à l’église, nos prières, notre souci de vivre selon les commandements, notre désir d’aimer ou du moins de faire le bien… Tout cela devrait nous mettre du bon côté… Mais Jésus nous inquiète comme il inquiétait les grands prêtres et les anciens du peuple, comme il inquiétait aussi les plus pieux, les plus fidèles, les plus généreux de son temps – c’est-à-dire les pharisiens !

La conformité extérieure ne garantit pas l’adhésion intérieure. D’autres passages aussi inquiétants se rencontrent dans les évangiles. Luc 13, 26-27 : « Vous allez dire nous avons mangé et bu en ta présence (nous allons à la messe !), et tu as enseigné sur nos places (nous écoutons des homélies et suivons des formations). Il vous répondra : je ne sais pas d’où vous êtes ! » Matthieu 7, 22-23 : « Beaucoup me diront : Seigneur, Seigneur, n’est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé, en ton nom que nous avons expulsé les démons, en ton nom que nous avons fait beaucoup de miracles ? Je leur déclarerai : je ne vous ai jamais connus. Écartez-vous de moi, vous qui commettez le mal ! »

C’est terrible : cela signifie que l’on peut agir au nom du Seigneur, sans être avec le Seigneur. Qu’on peut faire des grandes choses dans la puissance de l’Esprit Saint, des prophéties, des exorcismes, des miracles, et avoir donné ou au moins prêté son âme au Diable. C’est terrible et en même temps c’est une prise de conscience salutaire, décisive, un moment de vérité, un renversement radical. Enfin nous sortons de notre bonne conscience. Enfin nous pouvons entendre comme Catherine de Sienne Jésus nous dire : ce n’est pas pour rire que je t’ai aimé. Et nous pouvons répondre avec saint Augustin : tard je t’ai aimée, ô Beauté si ancienne et si neuve ! 

Alors nous devenons le premier fils, celui qui dit Non et qui finalement se repent, se reprend, se laisse reprendre par la miséricorde. Alors nous devenons les frères de misère et d’espérance des pécheurs comme Matthieu le publicain et des pécheresses comme Madeleine que Jésus a libérée de 7 démons.

Et savez-vous où se produit ce renversement, cette conversion, cette résurrection ? Dans la confession et l’absolution des péchés, autrement dit le sacrement de la réconciliation. Mais les catholiques de France ont abandonné ce rendez-vous de la miséricorde, 9 sur 10 au moins ne se confessent plus, ils ont choisi la médiocrité, le cœur partagé, la résignation. Au contraire, nous sommes invités à lever les yeux vers celui que nous avons transpercé, vers le Sacré Cœur et sa blessure d’où coulent l’eau de la purification et le sang de la sanctification. Seule notre humilité peut répondre à la sienne, lui qui s’est abaissé pour nous élever. Alors nous ne nous confions plus dans nos œuvres, aussi belles et grandes qu’elles soient, mais dans son œuvre à lui. Et les dispositions, les sentiments, les désirs de son cœur deviennent les dispositions de notre propre cœur. Humbles et émerveillés, nous apprenons à aimer.