arbre1Je n’y croyais qu’à moitié. « Vous allez faire une expérience. Promenez-vous tranquillement dans la nature, respirez, regardez, sentez, touchez, louez le Créateur. Vous allez découvrir votre arbre. Pas besoin de vous expliquer. Ce sera celui-là et pas un autre. » D’accord cependant pour jouer le jeu, je fais taire mes objections : n’y a-t-il pas là dessous de la psychologie bas de gamme, et comme un parfum New Age ? 

Mais c’est vrai : il m’attendait. Un pin comme je n’en avais jamais vu. Immense, puissant, vertical. Je contemple ses branches, autant de bras ouverts qui le tirent vers le haut. J’imagine le réseau invisible des racines, ancrage dans l’épaisseur de la terre ; on dit que cette part cachée de l’arbre a la même volume que sa part visible.

Très vite vient l’objection. Si l’arbre est comme un miroir, il y a erreur. Je me sens, je me sais minuscule. Aucun rapport ! Plus je le regarde plus je mesure ma petitesse, en face de cette manière d’exister royalement, indiscutablement. La réponse est immédiate, tranchante : « Ce n’est pas toi, c’est la vie de Dieu en toi. »

arbre2Je prends un peu de recul, je m’assieds, je regarde, j’écoute. Il y a d’autres arbres. Ils se tiennent à distance respectueuse. Il occupe son espace de façon juste : sans s’étaler, sans se gêner. Dans la partie basse, des branches mortes, moignons secs, bras cassés. Cela pourrait être triste. Non, c’est du passé, c’est dépassé. C’est emporté dans l’élan ascendant. On pourrait dire : c’est oublié.

Je me rapproche, je suis face à face avec le tronc, colonne d’un gris lumineux, d’une droiture sans hésitation. Sa base est trois fois plus large que le cercle de mes bras, mais sa hauteur lui garde une légèreté étonnante. Quelques courbes font qu’il danse. Je caresse sa rude écorce. Elle protège la sève invisible.

Je lève les yeux, je suis comme soulevé par le soulèvement des branches, ascension de degrés en degrés, échelle de Jacob. L’arbre est tiré vers le haut. Elevé de terre il attire tout à lui. Ses vraies racines sont dans le ciel.