arbreenfleurs

Le plaisir est un petit bonheur. Satisfaction des sens ou de l’esprit, il atteste la saveur de quelque chose. Mais il n’est ni la chose ni sa saveur. Il n’est pas pour autant quantité négligeable. Il récompense nos efforts, il soutient nos fidélités, il signe nos moments de grâce. Aristote enseignait que le plaisir accompagne l’action comme la beauté la jeunesse. Cette parole de sagesse peut nous alerter sur une perversion toujours possible du plaisir. Un premier détournement est de prendre comme fin non plus la chose belle ou bonne qui donne du plaisir comme par surcroit, mais de faire du plaisir le but ; tout le reste est alors ravalé au niveau d’instrument de mon plaisir, y compris les relations humaines. De ce point de vue notre époque est celle de l’hédonisme triomphant. La réduction de la sexualité au plaisir sexuel en est une expression. Des fiches récentes du Planning familial sur Internet expliquent aux enfants qu’on peut avoir en même temps plusieurs amoureux.euses (sic) et que la polygamie multiplie les plaisirs.

Un autre détournement est de chercher son plaisir et de le trouver dans la destruction, le mépris, la guerre, la domination. C’est le plaisir morbide de Satan et de ses anges, sur fond de désespoir. Nous aussi, hélas, il peut nous arriver de nous réjouir du malheur des autres. Mais c’est un plaisir triste, amer et solitaire. Ce n’est pas le bonheur ! Même quand il est juste, le plaisir est toujours sensible, fugace et parcellaire. Le bonheur est intérieur, durable et plénier. Il est un « bien être », une façon d’être ajusté à soi-même, au monde, à Dieu. Il n’est pas sans combats ni sans épreuves, mais il les traverse. Le bonheur est laborieux. Il faut le découvrir, le construire, le protéger, le partager. Les huit béatitudes que Jésus proclame sur la montagne répondent chacune à une expérience coûteuse. Mais il y a un bonheur plus grand que le bonheur : la joie.

La joie est un grand bonheur, immérité, inattendu. Parfois torrent débordant. D’autres fois source cachée. Insaisissable, elle nous saisit. Nous n’y sommes pour rien et elle nous est donnée. Cette grâce nous plonge dans l’action de grâce. Comme le suggère la parabole des talents, il y a une joie divine plus grande que notre cœur : « Entre dans la joie de ton Seigneur » (Mt 25, 21). Au fond, il n’y a qu’une joie, et c’est la joie de l’amour, ou plus exactement la joie du don. C’est la joie éternelle de la sainte Trinité, où les Trois ne font qu’un dans leur donation mutuelle. Et c’est la joie du petit enfant émerveillé devant un simple caillou. C’est surtout la joie de Pâques, joie d’une présence ineffaçable : Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. Et votre joie, personne ne vous l’enlèvera (Mt 28, 20 ; Jn 16,22).

Famille chrétienne, 24 avril 2021