HPnonIls vont finir par y arriver. Pays des débats homériques, des révolutions et des manifestations, des idées nouvelles et de la mémoire tenace, de la presse libre et contradictoire, de l’humour irrespectueux, la France devient peu à peu le plat pays de la pensée unique. Qui est la pensée morte. 

Le vrai débat, avec des pour et des contre, est rare. On préfère prendre l’avis des « experts », indiscutable. Les journalistes qui essaient de sauver les meubles et de sauver leur âme sont haineusement accusés de semer la haine. Les rares chaînes radio ou télé qui ne recopient pas pieusement les dépêches de l’AFP et les dogmes du politiquement correct sont déclarées infréquentables. On devrait les fermer ! Les lois mémorielles se suivent et se ressemblent, elles disent ce qu’il faut dire et ne pas dire. Et les réseaux sociaux, où s’est réfugiée la liberté d’expression, sont de plus en plus sous haute surveillance, merci les algoritmes. 

Chassez la censure, elle revient au galop. Nos libertaires se découvrent une mission de maintien de l’ordre : repérer les déviationnistes et leur couper le micro. Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ! Ceux qui se sont réjouis de voir les médias couper la parole à un président en exercice et Twitter supprimer son compte ne se rendent pas compte que cela peut leur arriver à leur tour. Et de fait, cela arrive. Au temps de la Terreur beaucoup de guillotineurs ont fini guillotinés. 

L’intimidation passe par le langage. Il y a des paroles qui tuent. L’accusation classique, contre ceux qui résistent aux divers avatars du progressisme, a été usée jusqu’à la corde, mais elle fonctionne encore : « Vous êtes conservateur, donc d’extrême droite, donc nazi » – 80 ans après ! Ensuite le péché impardonnable a été la phobie. La liste des ceci-phobes et des cela-phobes est longue, elle ne cesse de s’allonger, car il ne faut oublier, c’est-à-dire discriminer, personne. La dernière trouvaille dans ce procès d’intention permanent c’est l’accusation de complotisme, terme vague dont on ne sait pas très bien s’il est actif ou passif. Plutôt que lutter contre un fantasme (d’un côté comme de l’autre) la réponse serait une gouvernance transparente, vertueuse et soucieuse du bien de tous. Autrement dit insoupçonnable. 

On nous dit réfractaires, mais pour le moment nous sommes plutôt résignés. Quelques uns se réveillent, inquiets des liaisons dangereuses entre les oligarchies politiques, économiques, médiatiques et maintenant numériques. La concentration du pouvoir conduit à l'abus de pouvoir. La réponse à la tentation totalitaire, nous l'avons appris de Soljénitsyne et des autres, c'est la dissidence. Faire exister une autre parole, une autre vision, d'autres relations humaines. L'Evangile peur nous y aider.

Février 2021