Le confinement met à l’épreuve les disciples du Christ. La foi chrétienne est sous le signe de la rencontre. Le Verbe se fait chair. Chaque sacrement est un geste du Ressuscité, et l’Eucharistie est plus qu’un geste : une offrande, une présence. Par ces rites, nous sommes divinement touchés pour devenir touchants à notre tour. Le cœur à cœur de la communion naît du corps à corps de la rencontre. Elle ne peut pas être virtuelle ! 

PC

La suspension de toute assemblée fraternelle ou liturgique a été un choc pour les fidèles comme pour les pasteurs. Très vite il y a eu d’innombrables initiatives, pour maintenir ou pour inventer un minimum de liens fraternels, spirituels, liturgiques. Cette réactivité est très belle. C’est quand un trésor nous est enlevé que nous en mesurons la valeur. L’erreur serait de croire que des rendez-vous numériques peuvent remplacer une vie d’Église normale. Il s’agit d’entretenir le désir, non de combler le manque. Nous le savons bien : quand une personne aimée est au bout du monde, ni une carte postale ni Skype ne remplacent un vrai baiser… L’autre erreur est de multiplier les propositions. Attention à la fuite dans la piété, qui peut rassurer, mais qui n’est pas la foi – comme le biberon n’est pas le bifteck dirait saint Paul (1Co 3, 2).

Fallait-il diffuser sur YouTube ou ailleurs les messes « privées » ? J’étais très réservé sur ce point. Je le suis toujours pour les messes de semaine. On ferait mieux de lire et de méditer les lectures du jour et de faire une demi-heure d’oraison. Marthe Robin, d’un point de vue pédagogique, disait l’oraison plus nécessaire que la messe ; à plus forte raison une messe dont on est le lointain spectateur. Plus erronée encore, l’idée de regarder la messe d’hier ou d’avant-hier : comme un film ! Bravo les acteurs et le metteur en scène ! 

Et le dimanche ? « Pas de liturgie dans notre église le jour de Pâques ? Pas possible ! » Nous avons rapidement organisé une messe en visioconférence. Et la grâce est passée. Pourquoi ? Le premier principe, c’est le direct. On ne regarde pas un écran, on vit une célébration, une « action » comme dit le Missel. En revanche l’adoration eucharistique par écran interposé me semble discutable au plan liturgique (il n’y a pas d’action) et théologique (rien de plus irréel que l’image de la présence réelle). Le deuxième principe, c’est le local. L’Évangile se vit toujours quelque part. La messe de KTO ou du Jour du Seigneur, c’est bien, mais c’est ailleurs. Un troisième principe (en visioconférence) est de restaurer (un peu) la présence de l’assemblée : tout n’est pas centré sur le célébrant et ses assistants, on aperçoit d’autres visages, on entend d’autres voix. Ainsi, de façon incomplète mais pas irréelle, on vit le rendez-vous dominical.

Famille Crétienne, 23 mai 2020