JEUDI SAINT : la grâce de croire

Il est grand le mystère de la foi ! Cette acclamation juste après la consécration est encore plus brève et percutante en latin :Mysterium fidei !

Chaque célébration de la messe nous met devant le Mystère par excellence, la plénitude du Mystère. Je dis « devant » je devrais dire « dedans » ! Mystère, non pas au sens de quelque chose de mystérieux. Dans la Bible le Mystère n’est pas quelque chose de caché mais au contraire quelque chose de révélé. Mystère de la foi, non pas au sens où la foi serait mystérieuse, ou serait un accès à des mystères. C’est l’inverse. C’est le Mystère qui est offert à notre foi. Qui suscite notre foi. C’est-à-dire notre adhésion heureuse, notre émerveillement, notre engagement.

« Si tu savais le don de Dieu » dit Jésus à la Samaritaine (Jn 4). Le don de Dieu n’est pas quelque chose, un cadeau ou un autre, une grâce à implorer, un « plus » à ajouter à tout ce que nous avons déjà. Écoutez le dialogue de Jésus et Nicodème : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » (Jn 3). Le don de Dieu, c’est quelqu'un, un Autre lui-même, Dieu né de Dieu, lumière née de la lumière, amour né de l’amour. Une personne. Une présence. Si vous n’avez pas réalisé cela, vous êtes chrétien par hasard ou par habitude. Et vous pourriez tout aussi bien être musulman ou hindouiste ou témoin de Jéhova ! Si on en reste au niveau de la religiosité latente inscrite au cœur de tout homme, au niveau des divers rites et mythes qui essaient de répondre à son besoin de sacré, pourquoi choisir une « bondieuserie » plutôt qu’une autre ? Il y a un saut vertigineux (mais en général ignoré) entre la religion et la foi. L’homme crée des religions. Dieu crée la foi. 

Le don de la foi est le don de cette présence. Et en même temps l’accueil de cette présence. Ce don est offert à tous mais beaucoup l’ignorent encore. Comment les éveiller, les réveiller, les conduire à la Rencontre ? Comment leur dire : Il y a désormais Quelqu’un dans ta vie, dans tes pensées, dans le plus profond de ton être comme dans le plus banal de tes gestes. Un infiniment grand, au-delà de toute mesure, et en même temps infiniment proche, « plus intime à moi-même que moi-même » disait saint Augustin. Recevoir le baptême, c’est vivre cette immersion en Lui, une sorte de noyade créatrice, en laquelle disparaissent mes médiocres idolâtries, mon autosuffisance prétentieuse, mes compromissions inavouables. Mais surtout de laquelle surgit un homme nouveau, un disciple prêt à suivre le Christ jusqu’à la mort, un humble et royal fils de Dieu.

Ce mystère de la foi se concentre en quelque sorte, se cristallise, s’actualise dans le sacrement de l’Eucharistie. Là concrètement il nous est donné et redonné, identique à lui-même et toujours nouveau, accomplissant la promesse qui clôt – ou qui ouvre à l’infini – l’évangile selon saint Matthieu : « Et moi je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde ». Permettez-moi de vous le dire : est-ce que vous y croyez ? Quand le prêtre redit ces paroles très saintes et refait ces gestes simples et solennels au nom même du Christ, que tient-il entre ses mains ? Quelque chose ou quelqu'un ? Un bout de pain béni ou la chair même du Crucifié Ressuscité ? Et vous, si vous communiez, recevez-vous sur les lèvres ou dans la paume de la main un objet religieux, un symbole, un gri-gri chrétien, ou votre Maître adorable ? Allez-vous prendre l’hostie (comme on l’entend trop souvent) ou prendre feu au feu de la Présence ? Dans ce sacrement Jésus ne se prête pas, il se donne. C’est pourquoi il demeure. Le don s’accomplit par la célébration. Mais il demeure et appelle notre adoration. L’adoration eucharistique est redécouverte aujourd’hui dans beaucoup de paroisses et de communautés (pas encore à Provins ni dans nos villages, quoique…). Elle est une communion prolongée, elle nous christianisepeu à peu.

Les chapelles, les églises, les cathédrales ont été bâties pour abriter le Corps du Christ. C’est-à-dire le peuple de Dieu, car vous êtes son temple véritable, construit de pierres vivantes. L’Eucharistie fait de chacun de nous et plus encore de « nous ensemble » une présence de Dieu en ce monde, un tabernacle vivant du Christ. Mais ce Corps à la fois social et mystique (lié par un lien divin) se nourrit du Corps sacramentel. Et le chœur de l’église est aussi son cœur. Image saisissante après la dévastation de Notre-Dame de Paris : entres les pierres écroulées et les bois calcinés, l’autel intact et la croix glorieuse ! 

En résumé : frères et sœurs, le monde a besoin de votre foi pour y croire !