rouaultJe relis la prière du père le Guillou, en dernière page de son livre Celui qui vient d’ailleurs l’Innocent. « En ce temps de scandale où tant de chrétiens se laissent prendre aux pièges de la puissance (…) fais de nous des êtres brisés par le péché du monde, solidaires de toute la misère, faibles d’une faiblesse infinie, pour que nous soyons les témoins de la miséricorde du Père. Que ta croix de lumière plantée au cœur de nos vies fasse de nous des enfants pétris de douceur et de faiblesse, heureux de la joie de Dieu, capables de bénir Dieu en toute chose. » 

Ce livre vient du passé (1971) mais demeure prophétique. On ne parle pas ici du scandale au sens émotionnel ou médiatique, quand une parole ou un acte de travers soulèvent des vagues d’indignation. A tort ou à raison : on l’a vu quand un gynécologue a osé dire que l’avortement « retire une vie » ; c’est une évidence, mais elle a provoqué le tollé des médias et la montée au créneau de deux ministres. Plus sournois et plus grave, le skandalon biblique est « occasion de chute », pour reprendre la traduction courante. Le péché est toujours une chute, mais deux fois malheureux le pécheur qui entraîne les autres dans sa chute. Le jugement de Jésus est radical : il est préférable pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’il soit englouti en pleine mer. Malheureux le monde à cause des scandales ! Il est inévitable qu’adviennent les scandales ; cependant malheureux l’homme par qui le scandale arrive ! Sans oublier qu’on peut être son propre ennemi : Si ta main ou ton pied est pour toi une occasion de chute, coupe-le et jette-le loin de toi ! (Mt 18, 6-8).

Malheureux le monde, mais malheureuse aussi l’Église bien-aimée du Seigneur ! On se souvient de l’exclamation du futur Benoît XVI, méditant le chemin de croix quelque jours avant la mort de Jean Paul II : Que de souillures dans l’Église, et particulièrement parmi ceux qui, dans le sacerdoce, devraient lui appartenir totalement ! Y compris, hélas, dans les hauts rangs de la hiérarchie. Les médias insistent lourdement sur ces scandales, plus fréquents et plus graves que nous ne pouvions l’imaginer. Il y a de quoi être écrasés de tristesse ou remplis de révolte. Mais tristesse et révolte ne sont pas des vertus chrétiennes. Dans l’humilité du cœur et la douleur de l’âme nous acceptons cette opération vérité, nécessaire à la purification du Corps tout entier. La vérité vous rendra libres (Jn 8, 32).Nous ne dirons pas que c’est le Diable qui inspire ces dénonciations quand elles sont vérifiables et vérifiées. Ce qui est diabolique c’est plutôt le silence, qui peut aller jusqu’à la connivence. Quant à l’urgence, c’est ma conversion. « Toi, suis-moi ! » dit l’Agneau innocent et vulnérable. 

Famille Chrétienne, 29 septembre 2018